mardi 2 février 2010

Décolorons les Nanotechnologies avec Basta Mag !

Le développement des nanotechnologies amènera-t-il une société de surveillance totale, où le comportement de chaque être humain sera épié et analysé en permanence ? Allons-nous vers une tyrannie technologique, où l’homme-machine sera prisonnier de la société-fourmilière ? Des réflexions portées par le collectif grenoblois Pièces et main d’œuvre, qui fait partie des plus anciens et des plus farouches opposants aux nanotechnologies. Rencontre avec ces militants, critiques du « système technicien », qui ont bien voulu répondre, par écrit, à nos questions.


Basta ! : Le gouvernement a lancé depuis octobre un débat national sur les nanotechnologies, piloté par la Commission nationale du débat public. Pourquoi qualifiez-vous cette initiative de « débat pipeau » et de « campagne d’acceptabilité » ?

Pièces et main d’œuvre : La Commission nationale du débat public a été mandatée par le gouvernement pour une série de pseudo-débats sur les nanotechnologies, dix ans après la décision d’investir massivement dans ce domaine, trois ans après l’inauguration de Minatec, le « premier pôle européen de micro et nanotechnologies » à Grenoble, et alors même que le « Plan de relance » et le « grand emprunt » de Sarkozy font des nanos leur priorité. Il ne s’agit pas de permettre à la population des choix politiques, mais de les lui faire avaliser, après coup. Les décideurs redoutent ce qu’ils nomment le « syndrome OGM » – une révolte d’opinion contre les nouvelles technologies – et usent de procédures d’acceptabilité mises au point par des sociologues selon lesquels « faire participer, c’est faire accepter ».

« Nanotechnologies = maxi-servitude » peut-on lire sur les banderoles des opposants à ce débat public. En quoi ces technologies sont-elles selon vous un outil d’asservissement des êtres humains ?

Par l’informatisation et la numérisation totales de la planète et de nos vies, les nanotechnologies nous font basculer dans un monde entièrement piloté par la machine, et nous transforment en rouages de cette machine, au même titre que les marchandises, les infrastructures, l’environnement, etc. Représentez-vous un filet électronique aux mailles ultra-fines, composé de quantités d’outils miniaturisés (objets communicants disséminés partout, puces à radiofréquence, capteurs de toutes sortes, caméras « intelligentes » à reconnaissance faciale ou de détection de comportements « atypiques », lecteurs biométriques, GPS, oculomètres pour suivre le regard, scanners corporels, etc), collectant en permanence des milliards de données sur nos comportements, nos habitudes, nos déplacements, nos relations, nos idées.

Au-delà de la surveillance totale qu’implique une telle collecte de données personnelles, la servitude technologique réside dans cette connexion permanente à tout et à tous, et à la dépendance envers le système technicien et industriel pour la moindre activité, dans les gestes jusqu’ici réalisés de façon autonome – depuis les courses pour la maison jusqu’au soin des enfants ou des personnes âgées.

Pire, ces immenses quantités d’informations alimentent les statistiques à très grande échelle, qui permettent de réguler le moindre aspect de nos vies et de nos rapports humains, de lisser les flux, de supprimer tout obstacle au fonctionnement global de la société-fourmilière. C’est la fin de l’imprévu, de l’impromptu, des frictions qui sont la vie. Le groupe IBM, avec son projet de « planète intelligente », annonce que ses systèmes permettront bientôt d’anticiper les délits, par exemple.

Un de vos textes [1] évoque l’avènement d’une « société de contrainte » : « L’accélération technologique est l’autre nom de l’expansion totalitaire. La société de contrôle, nous l’avons dépassée ; la société de surveillance, nous y sommes ; la société de contrainte, nous y entrons. » Comment les nanotechnologies contribuent-elles à cette « société de contrainte » ?

Les dispositifs décrits ci-dessus, dont beaucoup sont déjà opérationnels, constituent l’outillage de la société de surveillance. Parallèlement à cette gestion de masse des populations, les nanotechnologies permettent l’intervention précise sur chaque individu. La convergence entre les nanos, les biotechnologies, l’informatique, les sciences cognitives rend possible l’alliage du vivant et de l’inerte, et la création d’implants électroniques pour le corps. A Clinatec, clinique expérimentale du cerveau créée par le Commissariat à l’énergie atomique et Minatec à Grenoble, on nous promet « des nanos dans le cerveau ». Les neuro-technologues conçoivent des implants neuronaux destinés à réduire les effets de la maladie de Parkinson, mais aussi à modifier le comportement de personnes qui présentent des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), des troubles de l’alimentation (anorexie, boulimie) ou des dépressions.

Les nanotechnologies mettent à notre disposition des moyens de réguler nos humeurs (finis les suicides au travail), nos comportements, nos sensations. Bref, d’intervenir dans notre for intérieur, plus finement que les méthodes biochimiques ou que les trois heures et demi de télévision quotidiennes.Lire la suite sur Basta Mag

Plus d'infos sur le documentaire Le silence des nanos

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