vendredi 27 mai 2011

« Les Sentiers de l’Utopie » - rencontre avec John Jordan et Isabelle Fremeaux

« Ce que j’ai observé, c’est que les militants commencent par faire des recherches historiques. Ils s’aperçoivent ensuite que c’est la galère et deviennent radicaux. Alors réprimés, ils se créent une armure, et les groupes finissent par se détruire eux mêmes. Pas les autorités. »


Ce constat amer a poussé John Jordan et Isabelle Fremiaux à interroger douze utopies. Durant sept mois, en 2007-2008, à bord d’un camion, nos globes trotters - mi anarchistes, mi écologistes, mais tout entier activistes - ont sillonné les routes d’Europe à la rencontre des alternatives au capitalisme, de ces lieux où engagement et autogestion se vivent au quotidien. L’objectif ? « Rendre visibles ces utopies proches de nous, sans avoir cette tendance à décontextualiser des expériences lointaines », explique Isa. Au Chiapas et à ses « municipios » brillant comme une étoile au firmament révolutionnaire, Isabelle et Jordan ont préféré la proximité d’utopies moins « exotiques » : « Nous voulions raconter des expériences avec leurs imperfections - des collectifs et des êtres humains faillibles. » Lassés de leur quotidien londonien urbain et stressé, de leur consommation compulsive de l’information made in Internet, ils se sont surtout focalisés sur des lieux situés à la campagne.

Leur plus belle rencontre ? L’école anarchiste Paideia, qui existe depuis 29 ans à Merida, dans le sud de l’Espagne. Un lieu unique où des enfants de 18 mois participent à des assemblées générales pour régler les problèmes de groupe. Leurs valeurs : « Egalité, justice, solidarité, liberté, non-violence, culture, et bonheur. » Loin, très loin, des poncifs en matière d’éducation : « Quand on passe six heures par jour pendant douze ans dans un endroit où l’on n’a quasiment pas son mot à dire sur quoi que ce soit, où être dirigé est la seule chose que l’on connaisse, une forte passivité devient la norme… », regrettent-ils. Et de décrire – à l’inverse – ces classes de Paideia où « une demi douzaine d’élèves assis à des bureaux disposés en cercle se font face. Chacun avance dans son travail. Certains sont très concentrés sur la rédaction de fiches, tandis que d’autres bavardent ». Jara, une adolescente, s’enthousiasme : « Beaucoup de nos amis sont jaloux parce que nous n’avons pas d’examens, et donc nous n’échouons jamais. » Les élèves se soulevèrent un jour, avant de faire machine arrière une semaine plus tard : « Diriger l’école sans les adultes, c’était trop de travail. » Le secret de la réussite de l’école ? Un partenariat bien dosé entre adultes et enfants, chacun bénéficiant de droits similaires.




À Marinaleda, John et Isa découvrent un village de 3 000 âmes où, au lendemain de leur arrivée, est proclamée une grève générale. Un mouvement visant à accompagner le maire Gordillo et son conseil municipal devant les tribunaux. Dans ce village, on a récupéré, après force grève et occupations, quelques 1 200 hectares. Des terres arrachées aux 17 000 hectares que possède le duc d’Infantado. Une sorte de municipalisme libertaire cher à Murray Bookchin est en route : les maisons sont construites collectivement, et il n’en coute que 15 euros par mois pour devenir propriétaire dans ce paradis immobilier géré par le CUT, le Colectivo de Unidad de los Trabajadores.

À quelques différences près, l’expérience de Zrenjanin, en Serbie, où les ouvriers ont repris le contrôle de leurs usines, ressemble à cette expropriation andalouse. Sauf qu’eux sont les propriétaires effectifs de leurs usines. La transition vers le capitalisme les avait laissés sur le carreau : les nouveaux actionnaires cherchaient à se défaire des moyens de production et de cette charge que représentaient pour eux les employés ; ces derniers ont protesté en activant tous les ressorts possibles de la contestation. Aujourd’hui tout refonctionne – avec les ouvriers pour unique dirigeant.

John et Isabelle ont aussi visité un squat, pour explorer l’abolition de la propriété. Entre mille lieux possibles, ils ont choisi Can Masdeu, un squat immense où des jardins jouxtent de très vastes bâtiments. Avec ses occupants, ils ont évoqué – en toute franchise – la question des relations internes, du vol, de l’autonomie en légumes toute l’année, ont causé de la boulangerie que font fonctionner les squateurs, et sont longuement revenus sur la façon dont ils s’étaient fait des alliés du voisinage. Can Masdeu, c’est aussi le lieu d’où sont parties de brillantes initiatives en matière d’activisme : l’approche Yomango du vol à l’étalage, ou des rencontres comme Reclaim the Fields où on retrouvait le Robin des Banques Enric Duran. Quant à la vie collective, elle est – elle aussi – exemplaire : pour seule règle, celle de prêter main forte à l’animation et à l’entretien du squat, deux jours par semaine, et de cuisiner un repas collectif hebdomadaire. Une solidarité paisible. Loin du combat qu’a nécessité l’ouverture de Can Masdeu : le lieu a été en effet conquis de haute lutte, avec un siège quasi médiéval (et infructueux) des forces de police pendant trois jours. « Les habitants avaient décidé de résister à l’expulsion de manière non violente mais déterminée. Sur le toit, ils avaient ainsi construit des trépieds en haut desquels ils étaient hissés. » Impossible de les en déloger.

John et Isa se sentent proches de ces « agitateurs » que l’on retrouve dans les grands rassemblements anti-capitalistes, du G8 de Gênes au camp climat de Londres. Influencés par les situationnistes, ils ont cherché « des lieux sans empreinte spirituelle, sans hiérarchie, horizontaux », raconte Isabelle. Leur travail a été validé par les collectifs - le mot « collectif » est ici important tant les auteurs ont bien prêté garde de ne jamais se focaliser sur un individu, même si la tentation était parfois grande. « On s’est aussi freiné sur la critique », précise John. Reste que de nombreuses questions cruciales sont passés en revue, avec précision : l’argent, les relations sociales, le féminisme, les prises de décisions ou les contacts avec l’extérieur. Isabelle Fremeaux, maître de conférences en Media & Cultural Studies au Birkbeck College-University de Londres, et John Jordan, artiste activiste, signent là un carnet de voyage passionnant sur les micro révolutions en Europe. De Christiania (Copenhague) à Cravirola (dans l’Aude) en passant par Zegg (en Allemagne), ils font le tour de ces projets s’attaquant, avec audace et originalité, à ce que chacun croit être le nœud gordien social. Il est vrai que John sait de quoi il parle : l’homme est – notamment – le cofondateur du CIRCA, la Clandestine Insurgent Rebel Clown Army, un groupe de clowns activistes ayant essaimé dans toute l’Europe. « Le clown détruit l’armure. Il sert à créer la confusion plutôt que le conflit », résume John. Un autre type de confusion naît de la lecture du livre : si on en ressort avec les piles rechargées, on se sent aussi un peu confus de vivre si loin de nos utopies. Il va falloir s’y mettre...

Article11

mardi 17 mai 2011

Voici le programme de Camin'Art en Barétous 2011



Cliquer sur l'image pour l'aggrandir

Voici enfin la (dé)programmation du ManiF'estival Camin'art en Barétous, présentée en avant première lors de la Soirée "Choron Dernière" au Cinéma le Luxor, le Vendredi 13 Mai en présence d'Eric Martin, réalisateur du film. Aussi, pour ceux qui n'étaient pas là et qui veulent en savoir plus sur le pourquoi, le quoi, le quand, le comment et toutes les questions existen'ciels liés à cette 2nde tentative de Camin'art, Le collectif FMR vous invite à nous rejoindre le Vendredi 27 Mai 2011 à 21h au Bar "Chez Coussen" à Aramits pour une soirée "Bar et Tous en route vers Camin'art"
Un pour tous et Tous Barrés !
Le collectif FMR

mercredi 4 mai 2011

Jeudi 5 Mai Soirée Ciné-Rencontre sur la défense et le développement des services publics

Jeudi 5 mai à 20h30 au cinéma le luxor à Oloron

le Collectif 64 des Services Publics propose,
à l'occasion de la soirée "POUR DEFENDRE & DEVELOPPER LE SERVICE PUBLIC"

la projection du film de Gilles Perret « Walter, Retour en Résistance » qui sera diffusé au cinéma Le Luxor à 20h30.
La projection sera suivie d’un débat animé par Robert BAREILLE.
Bande annonce du Film : Ici

Articho est de retour avec une soirée Erotique le 6 Mai au Centre Social



L'Artich'O
propose le Vendredi 6 mai 2011 à 21h
Soirée Érotique

avec en 1ère partie "Contes Erotiques" par la compagnie Oiseau Tonnerre suivi de la pièce de théâtre "Les Phalliques" par la compagnie des Malotrus
Entrée 6€ - Interdit aux moins de 16 ans
Salle de spectacle du Centre Social La Haüt - place St Pierre à Oloron.

lundi 2 mai 2011

Mais où va le travail ? Rencontre à Arudy avec Elsa Fayner le 6 Mai


Mais où va le travail ?

Vendredi 06 mars à Arudy, salle Espalungue, 20h30
Rencontre avec Elsa Fayner[1]

Organisée par Petahum et Alandar

Concurrence forcenée entre individus, course à la rentabilité, techniques de management agressives, politique du chiffre, prime au mérite… On rationalise, on formate les comportements. Soyez consensuels, ne faîtes ni preuve de goût, ni d’engagement dans votre travail quotidien, la grille d’évaluation n’est pas faite pour ça ! Et si vous la refusez, c’est que vous avez quelque chose à cacher, vous faites partie des non- performants, des non-productifs. Tout cela sur fond de chômage, de précarité et d'accaparement toujours plus importante de la richesse produite par les actionnaires au détriment des salarié-e-s !

Mais où va le travail ? Loin des discours fallacieux sur la « valeur travail », l'association Petahum propose de s'interroger sur ce qui occupe et structure une grande partie de notre vie.

Dans ce système néolibéral, qui en plus d’être une politique économique à la recherche de toujours plus de profit pour une infime minorité, cherche à imposer un nouveau mode de gestion des individus basé sur celui de l’entreprise capitaliste, comment remettre l'humain au cœur de l'entreprise ?

Après une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires et la publication d'un livre (« Et pourtant je me suis levée tôt »), Elsa Fayner s'est spécialisée dans le monde du travail : « Le travail se retrouve écartelé entre les chiffres, les conseils ergonomiques, le code du travail et les manuels de management. Ce qui fait le lien – l’humain, le corps, l’investissement personnel-, et qui fait que les entreprises perdurent, que l’économie fonctionne, est rarement abordé. C’est pourtant de cela dont les gens que je croise pour des interviews parlent. C’est également ce qui m’intéresse dans cette thématique. Comment chacun s’investit ou non dans son travail, l’image qu’il en a, la reconnaissance qu’il en retire, l’univers d’un métier, son évolution, les relations dans l’entreprise, les déceptions, les envies, les non-dits. Quel que soit le secteur. »

Dans le prolongement de son travail, la journaliste fait vivre le débat et la réflexion sur le monde du travail dans son blog (www.voila-le-travail.fr). Toujours dans ce souci d'échange et de construction d'alternatives, la journaliste partira à Arudy de son expérience pour susciter le débat, pour tenter de prendre du recul et de mieux comprendre les évolutions récentes du monde du travail.

Ce débat s'enrichira de la présence de tous, travailleurs, chômeurs, étudiants, retraités. La résistance à la destruction de nos emplois, la précarisation de notre travail, la reprise en main de nos outils de production comme la construction d'alternatives, passe par la compréhension de ce qui détruit notre sentiment collectif. Pour que nos valeurs ne soient pas broyées par le monde professionnel redonnons du sens à notre travail !

--------------------------------------------------------------------------------

[1] Elsa Fayner

Journaliste pigiste depuis six ans. Elle a d’abord écrit sur le travail social (ASH), sur l’environnement (Géo) et sur diverses questions de société (Zurban, Epok, Fig mag, Glamour…).
En 2008, publication de « Et pourtant, je me suis levée tôt… Une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires ». Cette incursion derrière les murs de l’entreprise et les lectures qu'elle a pu faire par la suite sur le sujet lui donné envie de me spécialiser dans le monde du travail (pour Alternatives Internationales, Maxi, Jeune Afrique…).