Consultant, mais aussi expert au Centre pour les médias et la démocratie, Wendell Potter est un farouche critique du système de santé américain. Il en connaît tous les rouages : pendant quinze ans, il a travaillé à la communication de Cigna, une des premières sociétés privées américaines d'assurance-santé.
Sa vie a basculé en deux temps. D'abord lorsque, en 2007, il a rendu visite à son père, au Tennessee. Il a assisté à une distribution gratuite de soins à des non-assurés par des médecins volontaires. "La queue était interminable. Des gens avaient passé la nuit dans leur véhicule avec leurs mômes pour être sûrs d'être soignés. Je me suis dit : c'est ça, être malade en Amérique ?" Ensuite, lorsqu'est sorti Sicko, le film de Michael Moore, Cigna lui a demandé - c'était son rôle - de préparer un contre-argumentaire. "Je suis sorti de la salle en pensant : qu'est-ce que je vais pouvoir raconter pour discréditer ce film ? En gros, ce que montrait Moore était exact. J'étais bien placé pour le savoir." Assez vite, la foi du converti et un blog où M. Potter disait ce qu'il pensait de l'état de la santé dans son pays ont poussé Cigna à le convier à quitter l'entreprise.
C'est à deux pas du gratte-ciel qui abrite Cigna, à Philadelphie, qu'il nous reçoit. Wendell Potter montre l'immeuble de son ancien employeur : "J'étais au 40e étage, juste sous la direction générale. Quand on travaille en entreprise, surtout à un échelon supérieur, on s'y identifie. On ne peut pas imaginer que son credo ne soit qu'un cache-sexe."
Le 15 septembre 2009, il a témoigné devant la commission de la gouvernance politique de la Chambre des représentants. Il y a évoqué une première puissance mondiale classée 27e pour la mortalité infantile et 28e pour l'espérance de vie ; et, surtout, une assurance-santé privée pour qui "le profit passe avant le bien-être des patients". Le Monde l'a interrogé sur les lobbyistes.
Comment fonctionne le lobby de l'assurance-santé privée et quelle est son influence ?
Il est financé par ses membres, principalement des grands assureurs-santé, pour défendre leurs intérêts collectifs. Ses stratèges travaillent sur la manière de peser sur les décisions du Congrès, ses communicants sur la façon d'influencer l'opinion publique. Ce lobby, profondément enraciné à Washington, est extrêmement puissant dans les coulisses du Congrès. Mais son problème récurrent est d'être peu populaire. C'est pourquoi, souvent, il n'agit pas au grand jour : plus que d'autres, il a besoin d'organisations qui relaient son point de vue sans lien apparent avec lui.
La Chambre de commerce américaine en est un parfait exemple. C'est un groupe patronal politisé, très à droite, mais dont l'intitulé laisse croire qu'il est un simple syndicat. De même, la National Federation of Independent Business, son équivalent chez les PME, se dit "sans parti pris". Or l'objectif premier de ces groupes est de lutter contre toute obligation des employeurs de fournir une couverture-santé à leurs salariés.
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