Le Président de la République a reçu les familles de Chantal et de Lucette auxquelles Romain Dupuy, le discernement aboli, a ôté la vie dans des circonstances particulièrement atroces. J’espère que le Président aura trouvé les mots qu’il faut, des mots vrais, pour aider ces familles hantées par cette tragédie, privées de la présence de celles auxquelles nous pensons chaque fois que nous passons devant le CHP à Pau.
Les propos que le Président a tenus sur le drame de Pau, lors de sa rencontre avec la presse, appellent deux remarques. La première concerne le contenu. Qu’a dit le Président de la République : « Je ne suis pas sûr que le mot non-lieu soit parfaitement compréhensible pour un mari dont on a égorgé la femme ou par une sœur dont on a décapité la tête ». On retrouve ici l’esprit du discours de ceux qui, hier, nous reprochaient de lutter pour l’abolition de la peine de mort et nous hurlaient aux oreilles : « Vous êtes contre la peine de mort, mais si on tue un des vôtres : que faites-vous ? » En nous questionnant de la sorte, ils montraient combien ils confondaient justice et vengeance. On croyait le chef de l’Etat à l’abri de ce genre de confusion. La seconde remarque concerne le moment choisi par le Président pour parler. Lorsqu’il intervient à Bayonne, le juge d’instruction en charge du dossier n’a pas encore rendu sa décision. Osera-t-il signer une ordonnance de non-lieu alors que le Président vient publiquement de dire qu’un non-lieu serait « incompréhensible » pour les familles des victimes ? S’en tenant aux rapports des psychiatres, résistant à la pression que l’Elysée relayant l’opinion exerce sur lui, le juge d’instruction, disant le droit, a signé une ordonnance de non-lieu. Un non-lieu ne signifie pas que le crime n’a pas eu lieu, simplement que l’on ne peut juger l’auteur présumé, ce dernier étant « irresponsable au moment des faits. » En France – doit-on le déplorer ? - on ne juge ni les fous, ni les malades qui, le discernement aboli, commettent des crimes. Seuls les malades dont le discernement était, non pas aboli, mais « altéré » au moment des faits, sont jugés. Telle est la loi. Elle est respectueuse de ce que nous sommes.
J’essaie, comme chacun de vous, d’écouter la souffrance des autres. On ne s’étonnera donc pas que j’évoque aussi celle de Romain Dupuy et de sa famille. Romain est schizophrène. Romain souffre. Depuis longtemps. Terriblement. Et la société n’a pas répondu aux appels désespérés de sa mère qui ont précédé le drame. Aujourd’hui Romain est enfin soigné. Il faut espérer qu’il vaincra la maladie, qu’il se reconstruira. C’eût été le vœu de Chantal et de Lucette qui, chaque jour, étaient à l’écoute des malades.
Christian Laborde
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