jeudi 30 avril 2009

L'affaire du coq d'Oloron vu par Francis Marmande dans le journal le monde



Oublieuse mémoire, par Francis Marmande
LE MONDE | 28.04.09 |

Au nouveau cimetière d'Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), on peut se recueillir sur la tombe de Jules Supervielle (1884-1960). Auteur de Gravitations, de Naissance, le poète a fait inscrire cette épitaphe : "Ce doit être ici le relais/Où l'âme change de chevaux." Supervielle, père béarnais et mère d'origine basque, n'est pas né à Oloron, mais à Montevideo (Uruguay). De son oeuvre, aussi discrète que considérable, nous retiendrons Oublieuse mémoire (Gallimard). Oloron semble oublier la sienne. Oloron-Sainte-Marie, au pied des Pyrénées, est une jolie petite ville aux toits d'ardoise. Escarpée et calme : sauf en temps de célébration de Supervielle, et pendant le très notable Festival de jazz et de musiques actuelles. Sans oublier les échanges folkloriques avec la ville aragonaise de Jaca, de l'autre côté du Somport, ni les exploits du FCO, club de rugby rugueux.

Deux gaves se rejoignent dans la petite cité. Très sonores, les gaves descendent et roulent les voix des vallées d'Aspe et d'Ossau. Discrète, Oloron a cédé à la sinistre politique urbaine qui chasse les commerces, vide les appartements et contraint aux grandes surfaces et à la bagnole. Plutôt bruyante.

Malgré son charme, Oloron souffre d'un mal moderne. Oloron la discrète souffre de ce que les crétins nomment "un déficit d'image". Le maire, Bernard Uthurry (PS), ne s'y trompe pas. En deux temps trois mouvements mouvementés, il prend un arrêté d'interdiction du chant du coq "constitutif d'un trouble manifestement illicite". Avec intervention des gendarmes, puis des agents de sécurité, et amendes variées avant les assises.

Les mesures d'accompagnement ? On ne peut que supposer : obligation de couper le cou des coqs. Ainsi décapités, les laisser trottiner une quinzaine de minutes pour faire rire les gosses. Recueillir le précieux sang, saler, poivrer, rajouter une pointe d'ail, poêler : voici une délicieuse "sanquette". Acheter sur Internet des sex-toys pour gallinacées, et prévoir toute procédure de procréation assistée.

Vérifier par la force publique que la mesure s'étend bien à toute la commune d'Oloron. En particulier, au hameau de Soeix-d'Oloron, que des bolides déchirent nuit et jour à plus de 100 à l'heure. Souvent, en jouant plein pot des fanfares techno-militaires à un temps. Interdire enfin la cloche de Gurmençon, les tondeuses, la sonnette du vélo de Marie Loustalet, la stupide Musak officielle qui inonde la rue Louis-Barthou et la place du marché, les aboiements, l'orage, les sonnailles, les flatulences des blondes d'Aquitaine.

Interdire le coq à Oloron, c'est interdire Big Ben à Londres, le muezzin au Caire, le bourdon de Notre-Dame. Comme on ne peut pas faire tous les matins l'hypothèse de la connerie, on fera celle du calcul. Enfin, Oloron fait parler d'elle, mieux et plus fort que dans les poèmes de Supervielle. Sans compter que Soeur Sourire se prépare à demander pardon au petit peuple des poussins.

3 commentaires:

Arnaud a dit…

Excellent !!...

Lurbeltz a dit…

Oui, mais ici, en Soule, il paraitrait qu'on aurait aussi un déficit d'image... Aih ! Faut-il craindre le pire ? Oui, pour lutter contre ce déficit d'image, le PS local (Mauléon) propose que Orthez soit la prochaine gare LGV.
C'est vrai la nature nous fait chier à la fin ! Les coqs, les porcs, les distances entre les choses importantes, le temps qu'il faut dépasser, ça justifie bien qu'on détruise tout et qu'on face taire la liberté.
Les ours, les coqs, les porcs, les vautours, les arbres, les distances, le temps, on va foutre tout ça en l'air et mettre en place la civilisation, la vraie avec des bagnoles, des trains qui roulent très vite, des loups dans des zoos, des coqs muselés et quelques gardes mobiles pour veiller au respect de tout cela.
Et puis si possible, en finir vite avec les écolos et les poètes. Des fois, en plus, ce sont les mêmes... Horreur !

gicerilla a dit…

Ce coq là ressemble bien à un poisson d'avril ! Non, franchement, c'est à mourir de rire. Il parait que le ridicule ne tue pas. En l'occurence je me dis que c'est tant mieux pour le Maire. Quoique...