mardi 13 février 2007

Supervielle et Oloron : des liens...aux lieux, des lieux...aux mots, des mots aux morts...

"Cette ville représente pour lui, avant tout, le pays de son père et de ses ancêtres paternels. C’est aussi le pays qui symbolise l’entre-deux-mondes imaginaire où, constamment, se trouve le poète ; les Pyrénées forment à la fois une frontière et un lien entre des pôles opposés que Supervielle aspire à se faire se rejoindre : entre la terre et le ciel, les vivants et les morts, la mémoire et l’oubli, mais également entre la France et l’Uruguay, ses deux patries, entre lesquelles il se sent comme écartelé. Partout, Supervielle se sent exilé, déraciné. Il est une sorte de survivant, de passager ; Oloron est donc un lieu d’errance, de passage, de quête essentielle.

D’où cette ambivalence du paysage pyrénéen :
-D’une part, un mouvement descendant, plutôt pessimiste, qui suggère la chute dans le gouffre de la mort : on peut observer la verticalité abruptement militaire des montagnes (« leurs rugueuses cohortes ») qui s’abaissent pour former une muraille infranchissable entre le poète et les défunts, apparaissant dans le même temps comme des sentinelles qui interdisent le passage vers l’au-delà ; mais aussi l’écoulement aveugle (« paupières basses ») du gave descendant les pentes rocheuses : il symbolise le temps qui s’écoule inexorablement et l’oubli qui s’empare des vivants, ainsi poussés à rejoindre le pays silencieux des morts.

-Mais, d’autre part, se produit un mouvement ascensionnel, plus optimiste : il s’agit d’un élan vers les défunts, permis par le versant montant de la ville d’Oloron. Le poète gravit la pente des « rues », des escaliers qui le conduisent à des « étages ». Il pénètre alors un monde onirique où s’effacent les frontières entre le dedans et le dehors : « J’entre sans frapper dans des chambres que traverse la campagne »… ; entre le je et le paysage : « Ces étages font de moi comme un sentier de montagne ». Puis le poète gagne les « toits d’ardoise », vaste plate-forme où les morts sont susceptibles de se rassembler et de communiquer avec lui.
Cependant, rien n’est simple dans le paysage mi-réel, mi-imaginaire, des Pyrénées. Au cours du poème, le mouvement descendant devient bénéfique ; comme si les Pyrénées étaient alors la barrière rassurante qui protégeait le poète des défunts désirant l’attirer à lui, le gave se fait implicitement le symbole de la vie qui s’écoule : « Prions pour le ruisseau de vie / Qui se presse vers nos prunelles. » A l’inverse, le mouvement ascendant devient néfaste - le dialogue avec les morts se transformant en une supplication adressée par le poète à son propre squelette qui le pousse vers la mort : « Il ne faut pas songer encor / A la flûte lisse des morts. » L’univers poétique de Supervielle est essentiellement ambigu".

Pour en savoir plus retrouvez cet extrait sur le site "Les Amis de Jules Supervielle" : supervielle.univers.free.fr/univers.htm
Voir aussi sur la Poètique de la transparence dans l'oeuvre de Supervielle :www.erudit.org/revue/etudfr/1997/v33/n2/036066ar.pdf
supervielle.blogspot.com

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